Aller au contenu
Background Image
  1. Articles/
  2. CISSP/
  3. I. Security and Risk Management/

La gestion des risques en cybersécurité

Auteur
Jacint BALINT
DevOps Engineer
Security and Risk Management - Cet article fait partie d'une série.
Partie 9: Cet article

La gestion des risques (risk management) dans le domaine de la cybersécurité est un processus systématique essentiel qui vise à protéger les actifs informationnels de toute organisation contre les menaces actuelles et émergentes. Cette discipline complexe nécessite une compréhension approfondie des menaces (threats), des vulnérabilités (vulnerabilities), des impacts potentiels, ainsi que des dispositifs mécanismes de contrôle (controls) adaptés.

Identification détaillée des menaces et vulnérabilités
#

L’identification des menaces ne se limite pas à dresser une liste générique, mais nécessite une analyse holistique prenant en compte plusieurs catégories d’acteurs et événements :

  • Cybercriminels aux motivations financières, dont les outils varient de scripts simples aux groupes organisés sophistiqués.
  • Acteurs étatiques (nation-state actors) spécialisés dans l’espionnage et les attaques ciblées à long terme, souvent déguisés en cybercriminels pour masquer leurs intentions.
  • Hacktivistes avec des objectifs politiques ou idéologiques cherchant à perturber ou embarrasser des entités.
  • Acteurs internes, qu’ils soient négligents ou malveillants, représentent souvent le point faible avec des menaces internes difficilement détectables.
  • Phénomènes naturels, tels que les incendies, inondations ou tremblements de terre, pouvant compromettre les infrastructures critiques.

L’étude des vulnérabilités est tout aussi cruciale. Ces faiblesses peuvent se situer :

  • Au niveau des informations (data), selon leurs états (at rest, in transit, in use), chaque état présentant ses propres risques.
  • Au niveau des processus métier, où les attaques comme le business process compromise modifient frauduleusement des processus critiques (exemples : modification d’adresses de livraison ou détournement des flux financiers).
  • Au niveau du facteur humain, souvent considéré comme le maillon faible face aux attaques d’ingénierie sociale, phishing, ou à la réutilisation de mots de passe faibles.

Analyse et évaluation des risques avec méthodologies professionnelles
#

L’analyse des risques (risk analysis) est une évaluation fine destinée à prioriser les menaces selon leur probabilité d’occurrence et leur impact, en vue d’une allocation optimale des ressources. Elle utilise principalement deux approches :

  • L’analyse quantitative qui attribue des valeurs numériques ou monétaires aux risques, calculant des indicateurs clés comme la SLE (Single Loss Expectancy) et l’ALE (Annualized Loss Expectancy). Elle permet de faire un calcul mathématique du risque, par exemple une perte potentielle de 100 000 € en cas d’exploitation d’une faille critique.
  • L’analyse qualitative, qui utilise des échelles de gravité (faible, moyen, élevé) basées sur jugement, expérience et bonnes pratiques, souvent employée pour les actifs immatériels difficiles à quantifier.

Plusieurs méthodologies existent pour structurer ce travail d’analyse :

  • FMEA (Failure Modes and Effects Analysis) : identification précoce des modes de défaillance au sein des systèmes afin d’appliquer des mesures correctrices avant que la panne ne survienne.
  • Fault Tree Analysis : construction d’un arbre logique partant d’un effet indésirable pour remonter aux causes potentielles, permettant d’isoler les risques spécifiques.
  • FRAP (Facilitated Risk Analysis Process) : processus simplifié focalisé sur les systèmes critiques pour rendre l’analyse rapide et ciblée.
  • OCTAVE (Operationally Critical Threat, Asset, and Vulnerability Evaluation) : méthodologie collaborative privilégiante l’approche organisationnelle complète et la participation des équipes métiers et IT.
  • NIST SP 800-30 : guide structuré centré sur la sécurité des systèmes d’information avec étapes préparatoires, évaluation, communication et maintien de l’évaluation.

Le choix de la méthodologie dépendra de la taille, du secteur et des besoins spécifiques de l’organisation.

Traitement et réponse aux risques
#

Une fois les risques hiérarchisés, leur traitement s’appuie sur quatre stratégies fondamentales :

  • Transfert (transfer) : externalisation du risque via une assurance cybersécurité ou partenariat.
  • Évitement (avoidance) : suppression ou modification d’un processus ou actif risqué, par exemple l’arrêt de l’utilisation d’une application non sécurisée.
  • Réduction (mitigation) : mise en œuvre de contrôles preventifs, detectifs, correctifs, physiques, administratifs ou techniques pour diminuer la probabilité ou l’impact.
  • Acceptation (acceptance) : décision consciente de tolérer un risque faible ou négligeable, souvent justifiée par une analyse coûts-bénéfices.

La sélection des contrôles doit impérativement s’accompagner d’une analyse rigoureuse des coûts directs, indirects et cachés (ex : coûts de licence, maintenance, impact sur la productivité, besoins en staff supplémentaire). Un contrôle efficace est celui justifié économiquement et apportant un retour sur investissement en sécurité.

Catégories et types de contrôles
#

Les contrôles de sécurité se répartissent en trois familles principales :

  • Administratifs : politiques, formation, gestion des risques, revue des processus.
  • Techniques (logiques) : pare-feux (firewalls), systèmes de détection d’intrusion (IDS), chiffrement, authentification forte.
  • Physiques : verrouillage des accès, surveillance, sécurité des locaux.

Fonctionnellement, les contrôles ont des rôles spécifiques :

  • Préventifs pour empêcher l’occurrence d’un incident (ex : filtrage réseau, mise à jour logicielle).
  • Détectifs pour identifier rapidement les incidents en cours (ex : journaux d’événements, systèmes IDS).
  • Correctifs pour restaurer ou réparer après incident (ex : restauration de données, patchs de sécurité).
  • Dissuasifs pour décourager les attaques (ex : panneaux d’avertissement).
  • De récupération pour assurer un retour rapide à l’activité (ex : plan de continuité d’activité).
  • Compensateurs pour pallier l’absence ou l’échec d’un contrôle standard.

Une stratégie dite de défense en profondeur (defense-in-depth) articule ces couches afin de multiplier les obstacles pour un attaquant.

Évaluation, vérification et validation des contrôles
#

Mettre en place un contrôle ne suffit pas : il faut ensuite le soumettre à une évaluation complète (control assessment) afin de garantir :

  • Vérification : s’assurer que le contrôle est bien implanté selon les exigences (ex : configuration correcte d’un firewall sans mot de passe par défaut).
  • Validation : confirmer que le contrôle remplit bien sa mission de réduction effective des risques (ex : détecteurs de température dans un centre de données ne réduisent le risque que si les systèmes de refroidissement répondent).

Cette démarche est cruciale pour éviter les faux-sens ou les mesures inefficaces en apparence.

Surveillance continue et indicateurs
#

La gestion des risques est un processus dynamique exigeant un suivi régulier des menaces, vulnérabilités et contrôles :

  • Évolution des tactiques, techniques et procédures (TTPs) des attaquants.
  • Découverte de nouvelles vulnérabilités.
  • Changements non documentés dans les configurations des systèmes.
  • Mesure de l’efficacité des contrôles via indicateurs-clés et audits.

Cette surveillance favorise une prise de décision réactive pour ajuster les protections, piloter les investissements, et respecter les obligations réglementaires et contractuelles.

Communication et reporting
#

Un reporting clair est indispensable à plusieurs niveaux :

  • Direction générale : synthèses orientées décision (risques majeurs, exposition, plan d’action).
  • Managers opérationnels : rapports détaillés sur incidentologie, vulnérabilités détectées et mesures prises.
  • Propriétaires des risques : informations précises pour la gestion quotidienne.

Une communication adaptée à chaque public est la clé pour assurer l’adhésion et la coopération.

Amélioration continue et maturité des risques
#

La gestion efficace des risques intègre la notion d’amélioration continue (continuous improvement). Ceci passe par :

  • L’analyse régulière des incidents et retours d’expérience.
  • La mise à jour constante de l’inventaire des actifs, des menaces et vulnérabilités.
  • L’évolution des mesures en fonction de la tolérance au risque et des priorités stratégiques.

Grâce à des modèles de maturité (risk maturity models), l’organisation peut mesurer son niveau de maîtrise, allant d’un état réactif et ad hoc à une gestion optimisée, automatisée et alignée avec les objectifs de l’entreprise.

Cadres et normes internationales majeurs
#

Pour structurer la gestion des risques, plusieurs cadres (frameworks) internationalement reconnus sont utilisés :

  • ISO/IEC 27005 : ligne directrice pour la gestion des risques en sécurité de l’information, complémentaire à la norme ISO 27001 relative au système de management de la sécurité de l’information (ISMS).
  • NIST RMF : processus en sept étapes ( Préparer, Catégoriser, Sélectionner, Implémenter, Évaluer, Autoriser, Surveiller) axé sur les organisations fédérales américaines mais largement adopté.
  • COBIT 2019 : cadre pour aligner objectifs informatiques et entreprise, spécialisé dans la gouvernance et la gestion intégrée des risques.
  • SABSA : architecture de sécurité d’entreprise facilitant l’alignement entre la stratégie métier et la sécurisation.
  • PCI DSS : standard de sécurité spécifique au secteur des cartes de paiement.

Chaque cadre propose une méthodologie éprouvée avec des meilleures pratiques, processus, contrôles et indicateurs pour adapter la gestion des risques aux spécificités de l’environnement.

Conclusion
#

La sécurité et la gestion des risques ne sont pas seulement des questions de technologie, de normes ou de conformité : ce sont avant tout des problématiques humaines qui touchent chaque collaborateur, manager ou décideur. Derrière chaque mesure de sécurité ou chaque processus d’évaluation, il y a des équipes qui veulent protéger leur travail, leurs idées, leurs clients et parfois l’avenir de leur entreprise. Se saisir de ces méthodes, les comprendre et les appliquer, c’est prendre soin de tout ce que nous construisons collectivement et donner du sens à nos efforts dans un monde où la confiance numérique est une responsabilité partagée. En avançant étape par étape, avec rigueur mais aussi ouverture au dialogue et à l’évolution, nous transformons non seulement la sécurité de nos systèmes, mais aussi la culture de nos organisations. La gestion des risques, finalement, c’est aussi se préparer à innover, à s’adapter et à réussir.

Security and Risk Management - Cet article fait partie d'une série.
Partie 9: Cet article

Articles connexes

Comprendre la gestion des risques de la chaîne d’approvisionnement
Contribution et application des politiques de sécurité du personnel