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Les exigences des types d’investigation en cybersécurité

Auteur
Jacint BALINT
DevOps Engineer
Security and Risk Management - Cet article fait partie d'une série.
Partie 5: Cet article

Dans le monde de la cybersécurité, savoir réagir à des incidents ne suffit pas : il est tout aussi essentiel de comprendre la diversité des cadres légaux et organisationnels qui régissent les investigations. Que ce soit un incident technique ou une violation d’éthique, l’entreprise doit évaluer avec rationalité la nature de l’événement et appliquer la procédure adéquate selon la typologie du cas : administrative, criminelle, civile, réglementaire, ou guidée par les standards du secteur.

Pourquoi autant de types d’investigation ?
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L’environnement juridique et réglementaire de la sécurité des systèmes d’information est vaste et complexe ; il ne se limite pas au cadre pénal. Les investigations s’inscrivent dans des catégories distinctes, chacune régie par des exigences propres quant à la conduite de la procédure, la collecte et la préservation des preuves, la gestion des responsabilités et l’application des sanctions. Comprendre ces différences offre plusieurs avantages :

  • Sécuriser son organisation face au risque juridique ou financier ;
  • Préserver l’intégrité des processus internes ;
  • Collaborer efficacement avec les parties prenantes (RH, juristes, régulateurs, etc.) ;
  • Respecter les obligations contractuelles et sectorielles ;
  • Asseoir la crédibilité de la posture sécurité.

Plongeons au cœur des exigences principales.

L’investigation administrative (Administrative Investigation)
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L’investigation administrative examine les violations des politiques internes (Internal Policy Violations) ou des règles contractuelles d’une organisation. Elle est engagée en réponse à un écart de conduite non critique, typiquement identifié par les responsables des ressources humaines ou de la sécurité opérationnelle.

Caractéristiques principales :

  • Elle repose sur des standards internes ou des recommandations sectorielles (industry standards) : PCI DSS (Payment Card Industry Data Security Standard), FedRAMP, etc.
  • Ce sont les ressources humaines qui la pilotent, souvent avec l’appui juridique ou la direction de la sécurité (Chief Security Officer).
  • La collecte et la gestion des preuves doivent respecter la confidentialité et la traçabilité, mais sont moins formelles qu’en enquête pénale : la priorité est de résoudre le litige sans recours externe sauf nécessité.
  • Les sanctions vont du simple avertissement à la rupture du contrat selon la gravité.
  • Il est impératif pour les professionnels de la sécurité de documenter chaque étape, d’impliquer les bonnes parties prenantes et de se garder d’émettre des qualifications juridiques.

Exemple : Un employé qui modifie les configurations d’un pare-feu sans autorisation est soumis à une enquête administrative. L’objectif est d’évaluer s’il s’agit d’une faute ou d’une erreur, et de décider la réponse appropriée (formation, sanction, etc.).

L’investigation criminelle (Criminal Investigation)
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Ce type d’enquête est lancé lorsque la violation identifiée relève du pénal : fraude, vol de données, accès non autorisé, usage malveillant. Le ton change : la préservation des preuves devient critique, tout comme la coopération avec les forces de l’ordre (Law Enforcement Agencies).

Caractéristiques principales :

  • L’objectif est d’établir la culpabilité « au-delà de tout doute raisonnable » (beyond a reasonable doubt).
  • L’entreprise doit s’abstenir de prononcer de jugement : la qualification du délit revient à l’autorité judiciaire.
  • Les professionnels de la sécurité ont pour rôle de préserver les preuves, d’assurer leur intégrité et d’alerter les autorités compétentes sans délai.
  • La chaîne de conservation des preuves (Chain of Custody) est fondamentale : chaque mouvement, accès ou transfert est enregistré avec précision.
  • Les possibilités d’incidents sont variées : intrusion, espionnage, sabotage, etc. Selon le pays, les exigences diffèrent mais la rigueur du processus reste universelle.

Exemple : Un ransomware touche le SI de l’entreprise. Une fois l’infraction détectée, la procédure criminelle peut être engagée : isolation des systèmes, copie forensique des données, documentation, puis signalement aux autorités.

L’investigation civile (Civil Investigation)
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L’enquête civile s’applique en cas de litige entre deux parties (personnes, entreprises), dans le but principal d’obtenir réparation (compensation). Il n’est pas question ici d’établir une culpabilité pénale ; l’accent est mis sur la responsabilité (Liability) et la prépondérance de la preuve (preponderance of the evidence).

Caractéristiques principales :

  • Les enquêtes civiles sont souvent menées en vue d’un procès ou d’une négociation.
  • L’équipe en charge rassemble les preuves, rédige les rapports, assiste les avocats et peut jouer le rôle de médiateur.
  • La barre de la preuve étant plus basse, le but est de montrer qu’il est « plus probable qu’improbable » qu’un préjudice a été causé.
  • Les sanctions sont financières ou réparatrices (dommages-intérêts, injonction, etc.), rarement privatives de liberté.
  • Les litiges courants concernent la propriété intellectuelle (Intellectual Property), les contrats, les préjudices matériels ou moraux.

Exemple : Suite à une fuite de données, une entreprise cliente assigne l’hébergeur pour obtenir réparation. L’enquête civile consiste à établir la chaîne de décision, la cause de l’incident et le lien de causalité.

L’investigation réglementaire (Regulatory Investigation)
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Il s’agit ici d’enquêtes menées par les autorités ou régulateurs du secteur (Government Agencies, Regulatory Bodies) en réponse à une suspicion de non-conformité à la loi ou à une réglementation spécifique. Ces investigations sont cruciales pour les entreprises opérant dans des industries sensibles : finance, santé, énergie, etc.

Caractéristiques principales :

  • La portée des investigations peut croiser les autres types (administrative, civile, criminelle), selon la gravité.
  • Le régulateur dispose du droit d’exiger l’accès à tous documents, systèmes ou informations nécessaires.
  • L’entreprise doit démontrer la conformité par des rapports d’audit, des preuves de contrôles, des registres de sécurité (Security Logs), etc.
  • La transparence et l’exactitude sont requises : toute manipulation ou omission expose à des sanctions graves (retrait d’agrément, sanctions pécuniaires, voire pénales).
  • Les enquêtes peuvent s’appuyer sur des standards internationaux (ISO, GDPR, PCI DSS, HIPAA, etc.), dont le non-respect constitue une cause d’investigation.

Exemple : Après une fuite de données personnelles, l’organisme de contrôle (Supervisory Authority) requiert une enquête sur le respect du RGPD (GDPR). L’entreprise doit fournir les preuves de consentement, les mesures de sécurité, les notifications de l’incident.

Les standards sectoriels et investigations
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Outre les lois, les standards du secteur (industry standards) jouent souvent le rôle de catalyseur d’investigation, surtout dans les environnements où la sécurité des données est contractualisée. Ne pas respecter un standard peut déclencher une enquête contractuelle ou réglementaire, parfois à l’initiative des partenaires ou des clients.

Caractéristiques principales :

  • Les standards s’imposent à tous les acteurs concernés par le traitement de certaines données (par exemple : PCI DSS pour les données de carte de paiement, FedRAMP pour les systèmes cloud des agences américaines).
  • La contractualisation accroît le risque : la violation est susceptible d’entraîner la perte du contrat, des audits ou des sanctions diverses.
  • L’entreprise doit démontrer son respect du standard par des certifications, des audits, des journaux de sécurité pertinents et actualisés.
  • Les sanctions peuvent être économiques (amende, perte de client), réputationnelles (publicisation) ou opérationnelles (suspension d’activité).

Exemple : La non-conformité au PCI DSS détectée lors d’un audit contractuel peut mener à une enquête puis au retrait de l’autorisation de recevoir des paiements par carte.

Méthodologie universelle : de la prévention à la gestion de crise
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Indépendamment du type d’investigation, la méthodologie de gestion reste rigoureuse et structurée :

  • Identification : qualification de la nature de l’incident (administratif, civil, pénal, réglementaire, contractuel).
  • Préservation des preuves : application de standards stricts de documentation et d’intégrité (Evidence Preservation, Chain of Custody).
  • Collaboration : mobilisation des parties prenantes appropriées (RH, juristes, DSI, partenaires), traçabilité des échanges.
  • Documentation : journalisation exhaustive de toutes les actions (Security Logs, Audit Trails, Investigation Report).
  • Reporting : transmission aux autorités ou régulateurs selon le contexte, respect des délais imposés (exemple : 72h pour le RGPD).
  • Conformité : vérification du respect des standards internes et externes, des obligations contractuelles et réglementaires.

Le rôle du professionnel CISSP est ainsi d’assurer la solidité de la procédure, tout en garantissant la sécurité, la confidentialité et la traçabilité des investigations.

Conclusion : maîtrise et vigilance
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La gestion des types d’investigation repose sur une connaissance fine du droit, des standards, de la technique et de la documentation. Avec l’augmentation des cyber-risques, une posture proactive, fondée sur la prévention, la rigueur méthodologique et la veille réglementaire s’impose : c’est la meilleure garantie de protection, de conformité et de professionnalisme pour le spécialiste CISSP et son organisation.

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